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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/636

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ÉLOGE DE PASCAL.

homme célèbre, rival digne de Pascal, comme philosophe et comme écrivain, et aussi grand poète que Pascal avait été grand géomètre, osa attaquer quelques-unes des pensées, et avoir presque toujours raison, on regarda cette entreprise comme un sacrilège. Il faut pourtant oser le dire : quoique en général le tableau que Pascal a fait de l’homme soit aussi vrai qu’il est fortement tracé, cependant dans ses pensées, jetées au hasard, et que Pascal devait revoir, il lui en est échappé beaucoup de fausses. D’ailleurs, si Pascal a toujours raison lorsqu’il peint la corruption des hommes, il cesse de l’avoir lorsqu’il regarde cette corruption comme générale, et surtout comme naturelle et incurable. Des philosophes plus doux, peut-être plus raisonnables, ne voient dans l’homme qu’un être faible et sensible, plutôt bon que méchant, puisque les maux d’autrui sont des maux pour lui, lorsqu’il est sans passion et sans intérêt. De longues erreurs l’ont abruti et corrompu ; les maux qu’elles ont accumulés sur lui l’ont rendu méchant ; mais on ne doit pas désespérer trop tôt de lui rendre, en l’éclairant, le courage de devenir meilleur et plus heureux[1].

  1. Espérons donc ; mais j’ai peur que l’auteur ne se trompe encore ici. Je suis mal ; mais pour être mieux, il faudrait commencer par me mettre plus mal encore : et ce mieux est-il donc si sûr ? Voilà ce que peuvent se dire tous les hommes. Voilà ce qui retient dans l’avilissement et la misère ceux même qui osent envisager les moyens d’en sortir.

    Sans doute l’homme souffre quand il voit souffrir un autre homme ; mais que peut produire ce sentiment affaibli par l’ha-