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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/637

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ÉLOGE DE PASCAL.

Nous avons une vie de Pascal écrite par sa sœur : on y chercherait en vain les mots profonds ou fins qui devaient échapper souvent à l’auteur des Provinciales et des Pensées ; on y trouvera encore moins le caractère de cet homme illustre ; cette vie est l’ouvrage d’une dévote janséniste, plus occupée de prouver que son frère était un saint, que de faire connaître un grand homme.

Il paraît qu’il était peu sensible ; du moins sa sœur admire ce parfait détachement de tout lien profane, qui rendait son frère indifférent aux soins qu’elle lui prodiguait pendant sa longue et cruelle maladie. Il ne pleura point la mort de sa sœur, religieuse de Port-Royal, qui avait terminé une vie sainte par une fin digne de sa vie. On a de lui une lettre de consolation sur la mort de son père, adressée sans doute à quelqu’une de ses sœurs ; et cette lettre est plutôt un sermon, que l’épanchement d’une âme abattue par une perte si grande et si irréparable. On est étonné, en lisant cette lettre, que, sur un sujet qui lui offrait tant de réflexions touchantes ou profondes, Pascal ait pu trouver tant d’idées mystiques, qu’il assure modestement être bien supérieures à tout ce que Sénèque ou Épictète ont dit sur la mort.

Cependant un héros ou un philosophe, dans le mal-

    bitude, par la dissipation, depuis que, dans nos grandes sociétés, les hommes sont devenus des machines dont on calcule le produit, et que nous avons trouvé l’art infernal de composer nos plaisirs des larmes et des souffrances de nos semblables ?