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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/644

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ÉLOGE DE PASCAL.

pesanteur de l’air, tiendra toujours une place honorable dans l’histoire de la physique ; et son Traité de la Roulette sera regardé comme un monument imposant de la force de l’esprit humain.

Parmi les pensées de Pascal, on en trouve quelques-unes sur l’art d’écrire : le plus grand art, selon lui, est de paraître naturel et simple, de ne point annoncer qu’on veut ou persuader, ou se faire admirer. Il faut qu’un auteur soit pour nous un ami qui nous confie ses pensées, qui se laisse aller devant nous à l’impression de ses idées ou au mouvement de son âme. Pascal sert lui-même d’exemple que cette espèce d’abandon n’exclut ni la correction du style, ni la force des pensées. Il appartenait sans doute à Pascal d’être législateur dans un art où il avait mérité le premier d’être un modèle ; mais n’est-il pas bien étrange que cet homme, dont le goût dans la prose était si sûr et si épuré, ait pu dire que la poésie n’est qu’un amas d’expressions bizarres que l’on est convenu d’admirer[1] ? Cepen-

    le style des pensées de Pascal est souvent obscur, incorrect, sans harmonie, et que Pascal y est, à la fois, un homme très-éloquent et un mauvais modèle d’éloquence. On peut dire la même chose de Corneille et de Bossuet. Quiconque tenterait d’imiter ces hommes célèbres, sans avoir un génie de la même trempe, n’imiterait que leurs défauts, et ne parviendrait qu’à se former un style ridicule.

  1. « Comme on dit beauté poétique, on devrait dire aussi beauté géométrique et beauté médicinale. Cependant, on ne le dit point, et la raison en est qu’on sait bien quel est l’objet de la géométrie et quel est l’objet de la médecine. Mais on ne sait pas en quoi consiste l’agrément qui est l’objet de la poésie. On