CONDORCET. Il s’agit ici de savoir si l’opinion de
l’immortalité de l’âme est vraie, et non pas si elle
annonce plus d’esprit, une âme plus élevée que l’opinion
contraire ; si elle est plus gaie ou de meilleur
air. Il faut croire cette grande vérité, parce qu’elle
est prouvée, et non parce que cette croyance excitera
les autres hommes à avoir en nous plus de confiance.
Cette manière de raisonner ne serait propre
qu’à faire des hypocrites. D’ailleurs, il me semble
que c’est moins d’après les opinions d’un homme,
sur la métaphysique ou la morale, qu’il faut se confier
en lui ou s’en défier, que d’après son caractère,
et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, d’après sa
constitution morale. L’expérience paraît confirmer
ce que j’avance ici. Ni Constantin, ni Théodose, ni
Mahomet, ni Innocent III, ni Marie d’Angleterre,
ni Philippe II, ni Aureng-Zeb, ni Jacques Clément,
ni Ravaillac, ni Balthazar Gérard, ni les brigands
qui dévastèrent l’Amérique, ni les capucins qui
conduisaient les troupes piémontaises au dernier
massacre des Vaudois, n’ont jamais élevé le moindre
doute sur l’immortalité de l’âme. En général
même, ce sont les hommes faibles, ignorants et
passionnés, qui commettent des crimes ; et ces mêmes
hommes sont naturellement portés à la superstition.
PASCAL. « J’écrirai ici mes pensées sans ordre, et non pas, peut-être, dans une confusion sans dessein ; c’est le