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Vie de M. Turgot.

titude et avec équité est à peine connue de nos jours ; et celui qui avait été exécuté en Limousin par M. de Tourni, était devenu la source de désordres aussi grands que ceux qui avaient déterminé à l’entreprendre.

La plupart des terres de cette province sont exploitées par des métayers, auxquels le propriétaire fournit le logement, la nourriture pour une partie de l’année, la semence, les outils aratoires, les bestiaux nécessaires à l’exploitation. La récolte faite, le propriétaire en prend la moitié. Non-seulement il était très-difficile de distinguer dans cette forme de culture la partie qui devait être regardée comme le produit net de la terre, et celle qui était destinée à payer les frais de culture, ou l’intérêt des avances faites en bestiaux et en instruments ; mais on ignorait absolument, du temps de M. de Tourni, que cette partie, la seule dont le propriétaire puisse disposer sans nuire à la culture, la seule qu’on puisse regarder comme formant le produit annuel, est aussi la seule qu’on puisse assujettir à l’impôt, qui doit y être proportionné.

La valeur des terres n’avait donc pu être estimée d’après aucun principe certain ; et les travaux de M. Turgot pour réparer ces désordres, pour délivrer enfin l’agriculture d’un impôt distribué avec inexactitude, et dont même une partie tombait directement sur les bestiaux employés au labourage, sont le premier exemple d’un cadastre formé sur des principes vrais, par une méthode exacte et conforme à la justice. À ce bienfait, M. Turgot en ajouta un autre. La col-