Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/194

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Nous nous vantons de nos lumières ; mais peut-on observer l’état actuel des sociétés sans découvrir, dans nos opinions, dans nos habitudes, les restes des préjugés de vingt peuples oubliés, dont les erreurs seules ont échappé aux temps et survécu aux révolutions ? Je pourrais citer, par exemple, des nations où il existe des philosophes et des horloges, et où cependant l’on regarde comme le chef-d’oeuvre de la sa-gesse humaine des institutions introduites par la nécessité, lorsque l’art de l’écriture n’existait pas encore ; où l’on emploie, pour mesurer le temps dans un acte public, les premiers moyens qui se sont offerts aux peuples sauvages. Peut-on ne pas sentir quelle distance immense nous sépare du terme de perfection que déjà nous apercevons dans le loin-tain, dont le génie nous a ouvert et aplani la route, et vers lequel nous entraîne son infatigable activité, tandis qu’un espace plus vaste encore doit se dévoiler aux regards de nos neveux ? Peut-on ne pas être également frappé et de tout ce qui reste à détruire, et de tout ce qu’un avenir, même prochain, offre à nos espérances ?

L’instruction publique est encore nécessaire pour préparer les nations aux changements que le temps doit amener.

Des changements dans la température d’un pays, dans les qualités du sol, causés soit par des lois générales de la nature, soit par l’effet de travaux longtemps continués ; de nouvelles cultures ; la découverte de nouveaux moyens dans les arts ; l’introduction