Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mécaniques se divisaient, plus le peuple était exposé à contracter cette stupidité naturelle aux hommes bornés à un petit nombre d’idées d’un même genre. L’instruction est le seul remède de ce mal, d’autant plus dangereux dans un État, que les lois y ont établi plus d’égalité. En effet, si elle s’étend au-delà des droits purement personnels, le sort de la nation dépend alors, en partie, d’hommes hors d’état d’être dirigés par leur raison, et d’avoir une volonté qui leur appartienne. Les lois prononcent l’égalité dans les droits, les institutions pour l’instruction publique peuvent seules rendre cette égalité réelle. Celle qui est établie par les lois est ordonnée par la justice ; mais l’instruction seule peut faire que ce principe de justice ne soit pas en contradiction avec celui qui prescrit de n’accorder aux hommes que les droits dont l’exercice, conforme à la raison et à l’intérêt commun, ne blesse point ceux des autres membres de la même société. Il faut donc à la fois qu’un des degrés de l’instruction commune rende capables de bien remplir toutes les fonctions publiques les hommes même d’une capacité ordinaire, et qu’un autre n’exige qu’aussi peu de temps que peut en sacrifier à l’étude l’individu destiné à la branche la plus resserrée d’une profession mécanique, afin qu’il puisse échapper à la stupidité, non par l’étendue, mais par le choix et la justesse des notions qu’il recevra.

Autrement on introduirait une inégalité très réelle, en faisant du pouvoir le patrimoine exclusif des individus qui l’achèteraient, en se dévouant à certaines