Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/406

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Les nations sentiront que les possessions éloignées sont plus nuisibles qu’utiles ; que si l’on renonce au profit de l’oppression, on n’a pas besoin d’être le maître d’un pays pour y commercer, et que les avantages de la tyrannie sont toujours trop achetés par le danger qui les accompagne, par les maux qui en sont la suite nécessaire et l’inévitable punition. Les esprits commencent à se pénétrer des grandes idées de la justice naturelle, et ces idées sont plus incompatibles avec la guerre maritime qu’avec celle de terre. On peut éloigner celle-ci du brigandage : elle ne s’en fait même que plus sûrement et avec moins de dépense ; mais si on respecte la propriété dans les guerres maritimes, si les sociétés renoncent à l’usage honteux de donner des patentes à des brigands, de créer une classe de voleurs auxquels, en vertu du droit des gens, on accorde l’impunité, alors la guerre de mer n’a plus qu’un objet unique et rarement praticable : l’invasion.

Cependant, ces changements sont trop éloignés de nous pour que l’enseignement d’une théorie approfondie de la navigation puisse être négligé. D’ailleurs, si un jour il devient moins utile comme moyen de défense, il le sera toujours comme moyen de prospérité, comme un objet important à la conservation, au perfectionnement de l’espèce humaine. L’art de naviguer est un de ceux qui montrent le plus la puissance de l’esprit humain ; il s’appuie de toutes parts sur des théories trop profondes pour qu’on puisse jamais l’abandonner à la routine. Les questions les plus épineuses de l’analyse mathéma-