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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/118

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lettres d’un citoyen

condamnés ? Est-ce le gouvernement qui s’est opposé à la publication d’un dictionnaire général des sciences, monument devenu nécessaire aux progrès de la raison ? À Constantinople même les ministres ont voulu établir l’imprimerie, et c’est le corps aristocratique des gens de loi qui y a mis des entraves. Or, l’opposition plus ou moins forte à la liberté de la presse est le vrai thermomètre d’après lequel on peut juger les intentions des hommes publics ou des corps politiques.

Vous conclurez peut-être de ces réflexions que j’approuve tout ce qu’a fait le gouvernement. Je vous répondrai que jusqu’ici je n’ai cru infaillible aucun prince, ni aucun conseil, ni même aucune assemblée nationale ; mais qu’il faut bien distinguer ce qui est une violation nouvelle d’un droit naturel, de ce qui est ou la continuation d’une violation consacrée par le temps, ou simplement une mauvaise mesure ; que dans le premier cas, de quelque autorité qu’émane la loi, tout citoyen a le droit de réclamer, y est obligé par devoir ; que dans le second, des représentations motivées sont la seule arme qu’il doive employer, soit isolé, soit réuni. La puissance publique ne peut jamais légitimement violer les mêmes droits pour le maintien desquels elle est instituée ; mais, excepté cette violation évidente, pour toutes les choses où il faut agir d’après une volonté générale, celui ou ceux qui dans le fait en sont regardés comme les interprètes doivent être obéis, et ils ne peuvent en perdre le droit qu’autant qu’ils empêcheraient de rendre publiques les raisons par lesquelles