Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/176

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ment le despotisme en détruisant les ordres arbitraires du gouvernement, sont éloignés de connaître toute l’étendue de ce fléau. En parlant toujours de poids à opposer à ce despotisme, ils oublient que lui-même sert de contrepoids aux autres, et que, pour être conséquents, ils devaient en désirer la conservation.

XVII.

Il ne faut pas confondre le despotisme avec la tyrannie. On doit entendre par ce mot toute violation du droit des hommes, faite par la loi au nom de la puissance publique. Elle peut exister même indépendamment du despotisme. Le despotisme est l’usage ou l’abus d’un pouvoir illégitime, d’un pouvoir qui n’émane point de la nation ou des représentants de la nation ; la tyrannie est la violation d’un droit naturel exercé par un pouvoir légitime ou illégitime.

Supposons dans le XIVe, le XVe, le XVIe, et même le XVIIe siècle, une république très-bien ordonnée, où les représentants du peuple eussent pu également s’opposer à l’établissement des lois nouvelles, et forcer à la réforme des anciennes ; supposons qu’aucun des pouvoirs établis par ces lois n’eût pu ni les violer, ni exercer sur les représentants du peuple une force qui gênât leur liberté, on n’en aurait pas moins fait dans cette république des lois pénales contre les hérétiques ; ce qu’on nomme sacrilège ou blasphème y aurait été mis au rang des crimes capitaux. Dans ces siècles, et même dans celui-ci, on aurait gêné l’industrie et le commerce par des lois prohibitives.