Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
464
réflexions

besoin ; le gouvernement, en faisant vendre en son nom du blé d’une qualité inférieure, à un prix aussi inférieur, mais qu’on augmentait à mesure que la disette paraissait augmenter, a fait hausser les prix que l’arrivée du même blé, s’il avait été amené par le commerce, aurait fait baisser.

Les visites chez les fermiers, les menaces de contraindre à fournir les marchés, ont augmenté l’inquiétude. Elle était au comble, lorsque le pouvoir exécutif a passé tout à coup dans les mains du peuple. On devait s’attendre qu’il exagérerait toutes ces mesures du régime prohibitif, que l’idée de taxer le blé, de le retenir, de l’arrêter, s’emparerait de toutes les têtes ; et c’est ce qui est arrivé.

On aurait tort cependant de rien reprocher au peuple, excepté les violences contraires à la loi. Dès l’instant où l’on s’écarte du principe adopté par l’assemblée nationale, la liberté de la circulation intérieure, l’homme le plus éclairé, le plus actif, le plus calme, serait à peine en état de prononcer, même d’après une connaissance exacte des faits, si une telle loi de police sera utile ou nuisible : aurait-on pu exiger que le peuple, troublé par la crainte, ne commît aucune erreur ?

Cette disposition du peuple a mis en même temps dans les mains des ennemis de la paix un moyen sûr de le soulever, de l’armer contre ses chefs, fussent-ils même ses représentants.

Le décret de l’assemblée nationale, pour la liberté de la circulation intérieure, n’a pas été respecté. La crainte, le préjugé l’ont emporté presque partout.