Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
Réflexions

culture libre. Ce n’eſt donc pas l’intérêt d’augmentation de culture qui fait prendre la défenſe de l’eſclavage des Negres, c’eſt l’intérêt d’augmentation de revenu pour les colons. Ce n’eſt pas l’intérêt patriotique plus ou moins fondé, c’eſt tout ſimplement l’avarice & la barbarie des propriétaires. La deſtruction de l’eſclavage ne ruineroit ni les colonies, ni le commerce ; elle rendroit les colonies plus floriſſantes, elle augmenteroit le commerce. Elle ne feroit d’autre mal que d’empêcher quelques hommes barbares de s’engraiſſer des ſueurs & du ſang de leurs freres ; en un mot, la maſſe entiere des hommes y gagneroit, tandis que quelques particuliers n’y perdroient que l’avantage de pouvoir commettre impunément un crime utile à leurs intérêts.

On a prétendu diſculper la traite des Negres, en ſuppoſant que l’importation des Negres eſt néceſſaire pour la culture. C’eſt encore une erreur : les femmes Negres ſont très-fécondes ; les habitations bien gouvernées s’entretiennent, même ſous la ſervitude, ſans importation nouvelle. C’eſt l’incontinence, l’avarice & la cruauté des Européens, qui