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Réflexions

nous conſiderons cette perte comme un mal. Si un homme a labouré ſon champ avec des chevaux qu’il a volés, & qu’on le force à les reſtituer, perſonne n’imaginera de le plaindre de ce que ſon champ reſtera en friche l’année d’après. Mais il réſulteroit, de cette diminution de récolte, un enchériſſement de la denrée, une perte pour les créanciers des colons. Nous ſentons que de pareilles raiſons ne peuvent contre-balancer les raiſons de juſtice, qui obligent le légiſlateur, ſous peine de crime, à détruire un uſage injuſte & barbare. Qui s’aviſeroit de tolerer le vol, parce que les effets volés ſe vendent meilleur marché ? Qui oſeroit mettre en balance l’obligation rigoureuſe de reſtituer, qu’on force un voleur de remplir, avec le riſque que cette reſtitution pourroit faire eſſuyer à ſes créanciers ? Nous n’ignorons point enfin que cette perte, auſſi bien que le défaut d’ouvrages, qui pourroit, dans les premiers inſtans, exposer une partie des Negres à la miſere ou au crime, ſeroit, non l’effet nécessaire de la révolution, mais la suite de l’humeur des propriétaires, & nous n’en parlons que pour ne paſſer ſous ſilence aucun des inconvéniens