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des parties sont correctes et prononcées avec une précision qui ne laisse rien à désirer davantage.

Mais ce qu’il fit observer de plus excellent dans cette rare peinture, et qui est digne d’être bien considéré, c’est la proportion de toutes les figures, laquelle M. Poussin a tirée des plus belles antiques, et qu’il a parfaitement accommodée à son sujet.

Il montra que la figure de ce vieillard qui est debout a la même proportion que celle du Laocoon, laquelle consiste dans une taille bien faite, et une composition de membres convenables à un homme qui n’est ni extrêmement puissant ni trop délicat.

Que c’est sur cette même proportion qu’il a formé le corps de cet homme malade. Car, bien qu’il soit maigre et décharné, on ne laisse pas néanmoins de reconnoître dans tous ses membres un juste rapport capable de former un beau corps.

Quant à la femme qui donne la mamelle à sa mère, il fit voir qu’elle tient de la figure de Niobé, que toutes les parties en sont dessinées agréablement et très correctes, et qu’il y a comme dans la statue de cette reine une beauté mâle et délicate tout ensemble qui marque une bonne naissance, et qui convient à une femme de moyen âge.

La mère est sur la même proportion, mais comme elle est plus âgée, on y voit plus de maigreur et de sécheresse. Car la chaleur naturelle venant à s’éteindre dans les vieilles gens, il arrive que les nerfs et les muscles ne sont plus soutenus avec tant de vigueur qu’auparavant, et qu’ainsi ils paroissent plus relâchés, et même causent certaines apparences au travers de la peau, que le peintre ne doit pas omettre pour bien imiter le naturel.

Le vieillard qui est couché derrière ces femmes tire sa ressemblance de la statue du Sénèque qui est à Rome dans la vigne de Borghèse. Car M. Poussin ayant l’esprit rempli d’une infinité de belles idées que ses longues études lui avoient acquises, a choisi l’image de ce philosophe comme la plus convenable pour bien représenter un vieillard vénérable qui paroît homme d’esprit. On y voit une belle proportion dans les membres, une apparence de nerfs et une sécheresse dans la chair qui ne vient que d’une grande vieillesse et des fatigues qu’il a souffertes.