Page:Congrès international des orientalistes - Verhandlungen des XIII internationalen Orientalisten-Kongresses, Hamburg september 1902.djvu/340

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développée et a disparu avant la découverte des vrais principes des sciences modernes et surtout avant la naissance des sciences sociales, comment s’imaginer que cette sorte de civilisation puisse être un idéal de perfection sociale ?

Comment oser prétendre que nous autres, musulmans, nous n’avons rien à emprunter aux Européens ? Nous ne voulons nullement amoindrir la gloire de nos ancêtres et nier l’importance des progrès qu’ils ont faits dans la science ; mais il serait impardonnable de persister dans nos erreurs et de croire que les premiers musulmans sont arrivés à la perfection. Disons à ce propos ce vers du célèbre Motenébbi : Aucun défaut n’est comparable à l’imperfection de celui qui aurait pu être parfait.

Tout musulman — continue Kassime Émine — doit étudier l’histoire de l’ancienne culture musulmane puisqu’elle sert de base à notre civilisation actuelle, mais il n’est que juste de convenir que bien des principes de cette ancienne culture ont fait leur temps, ne s’adaptent plus aux conditions de la vie moderne, et que même beaucoup de nos institutions reposent sur de faux principes. Si nous jetons un regard rétrospectif sur la vie de famille de nos ancêtres, nous verrons qu’elle a toujours été anormale. Par exemple, pour conclure un mariage il suffisait au mari d’avoir deux témoins ; pour divorcer, au contraire, aucun témoin n’était nécessaire. On se séparait souvent de sa femme sans la moindre raison valable et l’on se remariait autant de fois que l’on voulait, sans même se conformer aux exigences pourtant peu compliquées du Koran.

Cela se faisait dans les commencements de l’Islam et cela continue d’exister de nos jours, mais aucun de nos administrateurs ou de nos légistes ne pense à mettre fin à ce mal révoltant, qui contribue à la dispersion et à la destruction de la famille musulmane.

Ces faits amènent Kassime Émine Bey à conclure que la législation de l’Europe chrétienne concernant la famille et que la famille européenne elle même se trouvent à un niveau incomparablement plus élevé que la famille et la législation musulmanes ; que la famille européenne contemporaine est pour les musulmans un idéal vers lequel ils doivent diriger tous leurs efforts, s’ils veulent acquérir l’indépendance dans l’avenir.