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elles seront, mieux cela vaudra. Il ne m’arrive pas d’ouvrir un annuaire sportif, sans demeurer surpris et inquiet de tout ce qui s’y trouve d’oiseux et de superflu. J’y constate ce mal dont meurent nos sociétés modernes, l’excès de précautions, la folie préventive, la neurasthénie des formules.

Mais, dira-t-on encore, il y a autre chose. N’oubliez pas qu’une fédération, puissamment centralisée, procure aux sociétés qui en font partie toutes sortes d’« avantages ». Le mot est couramment employé et sa vogue vient de son caractère indéterminé. Il est trop général pour avoir un sens. En fait, une société sportive ne désire que deux sortes d’avantages : un terrain d’exercice et des facilités de transports. Or et sont là choses locales, extrêmement locales. Le bureau parisien d’une fédération est-il et peut-il être jamais au courant des terrains éventuellement disponibles ? Sait-il qu’en telle ville la société des courses possède un vaste pré tangent à ses pistes et inutilisé en dehors des réunions, qu’en telle autre, il existe une portion du champ de manœuvre, dont l’autorité militaire n’a pas l’emploi, qu’ailleurs c’est la compagnie du chemin de fer, qui n’a plus besoin de parcelles naguère expropriées par elle, qu’ailleurs encore le parc de la préfecture comprend une annexe, dont le préfet n’a que faire ; et ces découvertes achevées, quelles sont les demandes qui auront le plus de chances de réussir ? Celles venues de Paris sur papier à en tête, conçues en phrases solennelles et signées de noms inconnus dans la région ou bien celles amicales et directes dont se chargeront M. X ... ou M. Y ..., dont l’influence est considérable et la notoriété générale ? Même chose pour les transports. L’administration centrale, saisie de propositions de réductions, y mettra toujours mille entraves de principes et n’écoutera que l’inspecteur ou l’agent local qui attireront son attention sur l’opportunité de consentir telle ou telle faveur.

La fédération doit assurer à ses sociétés et chaque société doit assurer à tel membres le maximum de liberté possible, car la liberté est au sport ce que le sang est aux muscles. Pour cette raison et pour celles que je viens d’énumérer, il est désirable que la fédération provinciale jouisse d’une autonomie très complète. Les sports du Midi et ceux du Nord ont des allures diverses et tout le monde comprend que les sportsmen de Lille ne se gouvernent pas comme ceux de Marseille. C’est donc à force de méticulosités et de restrictions que Paris parvient à uniformiser son joug, à l’étendre à la fois sur ceux-ci et sur ceux-là. Que la province prenne conscience de son pouvoir et exerce davantage son initiative. L’athlétisme en général s’en trouvera bien.

Je souhaite donc que les habiles et distingués initiateurs du Congrès de Tourcoing trouvent promptement des imitateurs et que par là un courant de vie sportive, intense et libre, circule à travers toute la France.

Pierre DE COUBERTIN.