Page:Conon de Béthune - Chansons, éd. Wallensköld, 1921.djvu/9

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langage artésien en présence des Champenois et d’une certaine « Comtesse », dans laquelle il est facile de reconnaître la célèbre Marie de Champagne, fille de Louis VII et d’Éléonore d’Aquitaine[1].

Les deux chansons de croisade qu’on a de Conon de Béthune (nos IV et V) se rapportent à la troisième croisade (1189-1193), à laquelle il a pris part lui-même, mais d’où il paraît être revenu dès 1189, à en juger par un « serventois » (Raynaud, no 1030) où se trouvent de violentes diatribes contre un Quenes[2], qui ne peut être que notre poète[3]. Dans la quatrième croisade (1202-1204), au contraire, il joua un rôle prépondérant, comme nous l’apprend la chronique de Villehardouin[4]. Il fut le chef de la mission qui, en 1201,

  1. Voir, pour la vie de Marie de Champagne, E. Winkler, Französische Dichter des Mittelalters : II. Marie de France (Sitzungsber. der Akad. d. Wiss. in Wien, t. 188, mém. 3), p. 79 sq.
  2. Cas-sujet de Conon.
  3. Ce « serventois », déjà mentionné ci-dessus (p. IV, n. I), est attribué, par les deux mss. apparentés de près qui le donnent, à Huon d’Oisi. Or, celui-ci était déjà mort en 1189 ou 1190 (voir l’argument décisif apporté par O. Schultz, Arch. f. d. Stud. d. neu. Spr. u. Lit., LXXXIX, p. 448). Par suite, dans ma première édition (p. 101, n. 3), supposant que Conon était revenu de la croisade avec Philippe- Auguste à la fin de 1191 , j’avais dû admettre la possibilité que l’attribution de la chanson à Huon d’Oisi fût erronée : quelque copiste y avait vu une riposte aux paroles par lesquelles Conon de Béthune rejette la responsabilité de son blâme des barons croisés sur son « maître d’Oisi » (V, envoi). M. Bédier (ouvr. cité, p. 58 et suiv.; cf. déjà Romania, XXXV, p. 384 et suiv.) a trouvé moyen de concilier l’attribution des mss. avec le fait que Huon d’Oisi était déjà mort en 1191 : il suppose que Conon de Béthune est revenu, en 1189, avant le départ retardé de Philippe-Auguste pour la Terre-Sainte, ce à quoi, en effet, ne s’oppose pas le texte de la chanson R. 1030 (v. 14 : Si remaindroiz avoec vo roi failli).
  4. La conquête de Constantinople par Geoffroi de Ville-Hardouin, p, p. N. de Wailly (Paris, 1872).