Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/250

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Je comprends que vous désiriez régler cette affaire au plus vite. Ne perdons pas de temps en cérémonies oiseuses. Voyez-vous ce bois, là-bas, au pied de la côte ? Oui, le bois de pins. Rencontrons-nous là-bas au lever du soleil. J’apporterai épées ou pistolets, à moins que vous ne préfériez les deux.

Les témoins de Féraud se regardèrent.

— Des pistolets, général, fit le cuirassier.

— Soit ! Au revoir ; à demain matin. Jusque-là, laissez-moi vous conseiller de vous tenir cois, si vous ne voulez pas que la gendarmerie vienne faire une enquête sur votre compte avant la nuit. On ne voit pas souvent d’étrangers par ici.

Ils saluèrent silencieusement et s’éloignèrent.

Le général d’Hubert leur tourna le dos et resta longuement planté au milieu de la route, en se mordant les lèvres et en regardant à ses pieds. Puis il se mit à marcher droit devant lui, revenant sur ses pas jusqu’à la grille du parc de sa fiancée. Le crépuscule tombait. Immobile, il regardait à travers les barreaux la façade de la maison toute claire derrière les massifs. Des pas sonnèrent sur le gravier, et bientôt une haute silhouette voûtée émergea d’une allée latérale pour suivre à l’intérieur la clôture du parc.

Le chevalier de Valmassigue, oncle de l’adorable Adèle, ex-général de l’armée des Princes, relieur à Alton (plus tard bottier avec grande réputation d’élégance pour la façon des chaussures de dames dans une autre petite ville d’Allemagne), portait des bas de soie sur ses jambes maigres, des souliers à boucles d’argent et un gilet à ramages. Un habit à longues basques à la française épousait la courbure de son dos maigre. Un petit tricorne reposait sur son abondante chevelure grise nouée en queue.

— Monsieur le Chevalier, — héla doucement d’Hubert.