Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/252

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— C’est une chose inconcevable, vous savez ! Un homme règle les affaires de ce genre, avant de demander la main d’une jeune fille. Eh ! si vous aviez oublié votre histoire dix jours de plus, vous auriez été marié avant que la mémoire ne vous fût revenue. De mon temps les hommes n’oubliaient ni de telles obligations, ni le respect dû aux sentiments d’une enfant innocente. Si je ne les respectais pas moi-même, je qualifierais votre conduite d’une façon qui ne vous plairait guère.

Le général d’Hubert laissa échapper un gémissement :

— Que cette considération ne vous retienne pas. Vous ne courez pas grand, risque de l’offenser mortellement.

Le vieillard ne faisait pas attention à cette ineptie d’amoureux. Peut-être ne l’entendit-il même pas.

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-il. Quelle est la nature de cette...

— Dites de cette folie de jeunesse, monsieur le Chevalier. C’est le résultat incroyable, inconcevable de... Il s’arrêta court. Il ne voudra jamais me croire, se dit-il. Il va penser que je le prends pour un imbécile, et se jugera offensé. D’Hubert reprit : Oui, née d’une folie de jeunesse, elle est devenue...

— Eh bien, il faut arranger les choses, interrompit le chevalier.

— Arranger ?

— Oui, dût-il en coûter à votre amour-propre. Vous auriez dû vous rappeler que vous étiez fiancé. Vous l’avez oublié aussi, sans doute. Et voilà que vous oubliez votre querelle. C’est le plus déplorable exemple de légèreté dont j’aie jamais entendu parler.

— Grands dieux, monsieur ! Vous ne vous figurez pas que j’aie été ramasser ce duel lors de mon dernier séjour à Paris, peut-être, ou depuis quelques jours.

— Eh ! qu’importe la date précise de votre folie, monsieur! s’écria sèchement le chevalier. Le principal, c’est d’arranger l’affaire.