Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/189

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cesseront jamais ! » cria Mme Rout joyeusement à la vieille dame assise dans son fauteuil au coin du feu. La mère de M. Rout bougea légèrement ses deux mains fanées qui reposaient sur ses genoux dans des mitaines noires.

Les yeux de la belle-fille dansèrent sur le papier.

— Ce capitaine du navire sur lequel il est — un homme assez borné, vous vous rappelez, mère ? — a fait quelque chose d’assez fort, à ce que dit Salomon.

— « Oui, ma chère » dit la vieille femme débonnairement ; elle inclinait en avant sa tête argentée, avec cet air de calme intérieur des très vieilles gens qui semblent s’absorber dans la contemplation des dernières lueurs de l’existence : « Je crois bien me rappeler. »

Salomon Rout, le vieux Sal, le père Sal, le Chef, Rout ce « brave homme » — M. Rout l’ami paternel et indulgent de la jeunesse, avait été le benjamin de ses nombreux enfants tous morts aujourd’hui. Elle se le rappelait particulièrement à l’âge de dix ans (bien avant qu’il ne partît faire son