Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/171

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vant encore la voix, à vous consentez à relâcher le doyen des tisserands ?

De Gistel parla à voix basse à l’oreille de l’un des magistrats, puis il s’écria :

— Nous répondons aux menaces d’un bourgeois rebelle par la punition qu’il mérite. Qu’on arrête cet homme !

— Ah ! ah ! qu’on arrête cet homme ! répéta Breydel en riant. Mais cet homme, c’est moi ! Et qui donc m’arrêtera ? Je vous avertis que les gens de la commune sont en bas, qu’ils vont s’emparer du Princenhof par la force, et que votre vie à tous répond de celle de de Coninck… Ah ! ah ! qu’on arrête cet homme !… Eh bien ! messeigneurs, vous allez voir une autre fête, et votre chanson va changer de refrain, je vous le jure…

Sur ces entrefaites, quelques gardes s’étaient approchés du doyen des bouchers et l’avaient saisi au collet ; un autre déroulait déjà les cordes destinées à le lier. Tant que Breydel avait parlé, il n’avait pas fait attention à ces préparatifs ; mais aussitôt que son regard se fut détourné des léliards, et qu’il aperçut près de lui les gardes et la corde, un cri sourd, pareil au mugissement d’un taureau, s’échappa de sa poitrine. Il fixa des yeux enflammés sur eux, et s’écria :

— Croyez-vous donc que Jean Breydel, un franc boucher de Bruges, se laisse garrotter comme un veau ? Oh ! oh ! mes maîtres, ce ne sera pas encore aujourd’hui !