Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/239

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vous assure que vous ne sortirez pas avec cette hache. Vous m’êtes un ami trop cher et je me fais un devoir de vous garder de tout malheur.

— Laissez-moi passer, ô maître Pierre, cria le doyen des bouchers ; je vous en supplie, laissez-moi sortir : vous m’affligez sans pitié.

— Non, je suis inexorable. Songez que vous n’êtes pas votre maître, que vous ne pouvez risquer votre vie ! ô mon maître, Dieu vous a doué d’une plus grande âme et la patrie a nourri en vous des membres plus puissants pour faire de vous le rempart de la liberté commune. Considérez cette haute mission et ne gaspillez pas ainsi ces dons dans une vengeance inutile.

Pendant que de Coninck parlait ainsi, l’emportement du boucher s’apaisait ; son maintien devint calme, et on aurait cru qu’il s’était laissé convaincre par les sages raisons de son ami. Ce n’était pas de la dissimulation, toutefois ; c’était l’expression vraie de ses sentiments. Il flottait entre le désir de la vengeance et le calme, sans pouvoir se calmer intérieurement.

— Vous avez raison, mon ami, dit-il ; je me laisse emporter trop facilement ; mais, vous le savez, il y a des passions à l’inspiration desquelles on ne peut résister. Je suspendrai de nouveau mon arme à la muraille ; maintenant vous me laisserez sortir, car je dois aller aujourd’hui au marché au bétail à Thourout.

— Je ne veux pas vous retenir plus longtemps,