Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/308

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serait pas bon, messeigneurs, de tromper cette espérance ; je vous conseille donc de ne pas la quitter. Il est également indispensable de lui procurer d’autres habillements et un autre lieu de repos.

Comme Robert ne pouvait se faire connaître d’un plus grand nombre de personnes, il ne donna, pour le moment, pas de suite aux prescriptions du docteur ; il retourna avec ses frères près de Mathilde et resta à contempler avec une douleur muette ses traits décolorés. Les lèvres de la jeune fille remuaient, et, de temps en temps, un son imperceptible sortait de sa poitrine. Un souffle plus puissant fit résonner deux fois le mot : Père ! comme un doux son de harpe, aux oreilles de Robert ; il effleura de ses lèvres la bouche de sa fille endormie ; ce baiser, qui fit passer pour la seconde fois l’âme du père dans le cœur de l’enfant, rendit au sang de la jeune fille plus de fluidité et plus de vie : une teinte rosée colora ses joues, et ses yeux s’ouvrirent avec un sourire tranquille, mais plein de joie.

L’expression des traits de la jeune fille ne peut se décrire ; elle regarda sans rien dire les yeux de son père, et parut absorbée dans une douce volupté. Certainement les anges, dans le ciel, ont cette figure lorsqu’ils regardent la face du Seigneur. Bientôt elle tendit les deux bras, et Robert se pencha vers elle pour se laisser embrasser ; mais ce n’était pas ça que voulait la jeune fille. Elle porta ses deux mains au visage de son père, et toucha ses joues de ses