Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doigts caressants. Tous deux éprouvaient une sensation délicieuse : le père ne regrettait pas ses peines et remerciait Dieu, qui donne aux malheureux la force de supporter la joie.

Les assistants n’étaient pas moins touchés de cette scène d’amour paternel ; ils n’osaient rompre ce silence solennel, et essuyaient furtivement leurs yeux. Leurs attitudes étaient cependant très-différentes ; Jean de Namur, qui maîtrisait le mieux son émotion, se tenait debout, le regard ferme et la tête levée ; Guillaume de Juliers, le prêtre, était agenouillé et priait, les mains jointes ; le jeune Guy et Jean Breydel mêlaient à leur commisération un ardent désir de vengeance ; cela se voyait à l’expression de leurs lèvres et au geste menaçant de leurs poings serrés ; de Coninck qui, en d’autres circonstances, paraissait si froid, était le plus ému de tous, ses larmes coulaient abondamment sous la main dont il avait couvert son visage. Nul homme, en Flandre, n’aimait plus son souverain Robert que le doyen des tisserands ; tout ce qui pouvait rendre la patrie glorieuse était saint pour le noble bourgeois de Bruges.

Enfin, la jeune Mathilde s’éveilla de sa douce extase ; ses bras pressaient la tête de son père contre sa poitrine haletante, et, avec une passion ardente, elle dit d’une voix faible :

— Ô mon père, mon père bien-aimé ! te voilà maintenant sur le sein de ton heureuse enfant ! J’en-