Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/324

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gouverneur de la ville ne soupçonnait l’épouvantable vengeance qui allait s’accomplir.

Le 18 mai 1302, à neuf heures du matin, l’armée française entra dans la ville de Bruges, enseignes déployées. De Châtillon marchait en tête de ses dix-sept cents cavaliers ; son regard était plein de menace et de cruauté ; aussi le cœur des habitants fut-il saisi d’un douloureux pressentiment et prévirent en partie les malheurs qui leur étaient réservés. On pouvait reconnaître les klauwaerts à l’expression que ces sentiments donnaient à leur physionomie ; ils penchaient la tête et la plus profonde tristesse se peignait sur leurs traits ; cependant ils ne croyaient pas qu’on leur imposât plus que le payement du penning et un gouvernement plus sévère et plus exigeant.

Les léliards s’étaient réunis auprès de la garnison, sur le marché du Vendredi. La venue du gouverneur de la Flandre leur était très-agréable, car il devait les venger du mépris des klauwaerts. Dès que messire de Châtillon approcha d’eux, ces traîtres à leur pays crièrent à plusieurs reprises :

— Vive la France ! Vive le gouverneur !

Poussé par la curiosité, le peuple était accouru en foule et s’était massé sur le marché du Vendredi. Sur tous les visages on lisait une indicible expression de crainte et d’inquiétude ; les femmes pressaient silencieusement leurs enfants sur leur sein, et une larme s’échappait à mainte d’entre elles sans qu’elles s’en rendissent compte. Cependant, quelque anxiété