Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/515

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tout un corps de cavalerie, criaient qu’on ne les foulât pas aux pieds ; mais rien ne pouvait arrêter l’élan donné[1]. Déjà la voix de ceux qui étaient tombés les premiers s’était éteinte dans un suprême cri d’agonie ; mais ceux qui les avaient renversés étaient écrasés à leur tour par ceux qui les suivaient, et le terrible concert de cris et de gémissements continuait[2]. Les autres corps, croyant que la lutte était engagée, éperonnèrent leurs chevaux et les lancèrent vers le ruisseau sur les bords duquel se passait cette scène affreuse, et un bon nombre d’entre eux vinrent grossir le chiffre des victimes de l’imprudence du comte d’Artois, chiffre effrayant et inouï.

Les Flamands n’avaient point encore bougé ; toujours immobiles et silencieux, ils contemplaient avec surprise la scène horrible qui se passait sous leurs yeux. Leurs chefs procédaient avec plus d’habileté et de prudence ; pour tout autre chef d’armée, ce moment eût paru favorable pour engager la lutte, et peut-être eût-il franchi le ruisseau et fût-il tombé sur

  1. Ils avançaient toujours, les chevaux se pressant et trébuchant les uns contre les autres ; les chevaliers tombaient à terre et étaient cruellement écrasés par ceux qui les suivaient. Il en périt ainsi un grand nombre avant qu’ils atteignissent l’ennemi. (Voisin.)
  2. Tous les détails de cette mémorable bataille sont appuyés, dans le texte flamand, par des citations du Spiegel Historiael, chronique rimée de van Vetlhem, et de l’Excellente chronique de Flandre.