Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/81

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— Et cette volonté est de rendre le pays de Flandre à cet arrogant comte Guy ? Vous voulez le remettre en état de vous déclarer derechef la guerre. Allez, si vous la commettiez, cette imprudence vous vaudrait un amer repentir. Quant à moi, puisqu’ici je suis comptée pour si peu que l’on ne me consulte pas dans une affaire qui m’intéresse si vivement ! je vous annonce que je pars pour mon royaume de Navarre où Philippine me suivra[1].

Cette menace fit une grande impression sur l’âme du roi. La Navarre était la meilleure partie de son royaume, et comme Jeanne l’avait déjà maintes fois menacé de son départ, il craignit qu’elle ne mît enfin sa menace à exécution. Après un instant de réflexion, il reprit :

— Vous vous offensez sans raison, madame. Qui vous fait croire que je veuille abandonner le pays de Flandre ? En vérité, je n’ai rien décidé à cet égard.

— Votre langage trahit votre pensée, répondit Jeanne ; quoi qu’il en soit, je vous le répète, si vous avez assez peu de déférence pour moi que vous dédaigniez mes conseils ; je partirai. — Non, je ne veux pas être témoin des suites de votre imprévoyance.

  1. La France et la Navarre formaient encore alors deux royaumes indépendants. Le roi de France n’avait aucun droit sur la Navarre, et n’avait pas à se mêler de son gouvernement. Les revenus de ce pays appartenaient à Jeanne, qui, comme reine de Navarre, ne dépendait nullement de son époux.