Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/106

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causerez, vous chasserez, vous serez heureux avec lui ; il vous aimera comme un fils, il vous vénérera, il vous entourera des plus tendres soins ; son seul souci sur la terre sera de vous rendre heureux, parce qu’il sait que votre bonheur fait le mien ; et moi, je le récompenserai de son dévouement ; je parsèmerai sa route des plus belles fleurs d’une âme reconnaissante. Oh oui, nous vivrons tous ensemble alors dans un paradis de joie et d’amour !

— Pauvre et ingénue Lénora, dit monsieur de Vlierbecke en soupirant, que le Seigneur entende ta prière ! Mais le monde est régi par des lois et des coutumes que tu ignores. Une femme doit suivre avec obéissance son mari partout où il lui plaît d’aller. Si Gustave choisit pour lui et toi une autre demeure, tu devras lui obéir sans réplique et te consoler peu à peu de mon absence. Une telle séparation me serait en d’autres circonstances très-pénible, mais, te sachant heureuse, la solitude ne m’attristera pas.

La jeune fille regardait avec surprise et effroi son père tandis qu’il prononçait ces paroles ; lorsqu’il se tut, elle baissa lentement la tête sur sa poitrine, et des larmes silencieuses tombèrent de ses yeux. Monsieur de Vlierbecke lui prit la main et dit d’une voix douce :

— Je savais, Lénora, que j’allais t’attrister, mais il faut t’habituer à l’idée de cette séparation.

La jeune fille releva la tête et répondit avec résolution :

— Comment ! Gustave voudrait que je vous quittasse ? Vous demeureriez seul au Grinselhof, passant vos jours dans une solitude désolée ? Et moi, j’entrerais dans le