Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/114

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rougeur de la honte qui couvrait son front et ses joues. Il demeura affaissé sous une émotion mortelle jusqu’à ce que le négociant le rappelât à lui-même par ce mot :

— Eh bien ?

— Ah ! balbutia monsieur de Vlierbecke, ayez un peu pitié de moi. Peut-être l’amour de mon enfant m’a-t-il égaré. Dieu a départi à ma Lénora tous les dons qui peuvent orner une femme sur la terre ; j’espérais que sa beauté, la pureté de son âme, la noblesse de son sang étaient des trésors au moins aussi précieux que l’argent…

— C’est-à-dire, pour un gentilhomme peut-être, mais non pour un négociant, murmura monsieur Denecker.

— Ne me reprochez pas d’avoir amadoué votre neveu ; ce mot me blesse profondément, et il est injuste ; en voyant naître en même temps chez Gustave et Lénora une sympathie réciproque, je n’ai pas comprimé le penchant qui les attirait l’un vers l’autre. Au contraire, j’ai, chaque jour dans mes prières, rendu grâces à Dieu, qu’il eût envoyé sur notre route un sauveur pour mon enfant. Oui… un sauveur… car Gustave est un honnête jeune homme qui l’eût rendue heureuse non par l’argent, mais par la noblesse de son caractère, par la loyauté de ses sentiments. Est-ce donc un si grand crime pour un père que d’inévitables malheurs ont jeté dans l’indigence, d’espérer que son enfant échappera à la misère ?

— Assurément non, répondit le négociant ; le tout est de réussir ; et pour cela vous vous êtes mal adressé, monsieur de Vlierbecke ; je suis homme à examiner deux fois la marchandise avant de conclure le marché,