Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/115

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et il est bien difficile de me faire accepter des pommes pour des citrons…

Cette manière de parler, empruntée à la langue du commerce, parut faire souffrir cruellement le gentilhomme et le soumettre à une effroyable torture, car il se leva brusquement et dit avec une colère croissante :

— Vous n’avez donc aucune pitié de mon malheur ? Vous prétendez que j’avais le projet de vous tromper ? Mais est-ce vous qui avez découvert mon indigence ? Après les révélations que je vous ai faites sans que rien m’y forçât, n’êtes-vous pas libre d’agir comme vous le voudrez ? Et, croyez-le bien, si j’écoute humblement vos reproches, si je reconnais moi-même mon erreur, ma faute, cependant tout sentiment de dignité n’est pas mort dans mon âme. Vous parlez de marchandise comme si vous veniez ici acheter quelque chose ? Est-ce ma Lénora ? Tous vos trésors n’y suffiraient pas, monsieur ! Et si à vos yeux l’amour n’est pas assez puissant pour faire disparaître l’inégalité pécuniaire qui nous sépare, sachez que je m’appelle de Vlierbecke, et que ce nom, même dans la misère, pèse plus que tout votre or !

Pendant cette sortie, une ardente indignation s’était peinte sur le visage du gentilhomme ; ses yeux lançaient des éclairs de feu sur le négociant, qui, troublé par la parole exaltée et le geste animé de monsieur de Vlierbecke, reculait devant lui en le regardant avec stupéfaction.

— Mon Dieu ! dit-il enfin, il ne faut pas tant de grands mots ; chacun reste ce qu’il est, chacun garde ce qu’il a,