Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/117

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Je n’ai point encore assez souffert ; il me faut briser le cœur de ma fille, lui arracher avec une froide cruauté toutes ses espérances, anéantir ses plus doux rêves, la voir sous mes yeux succomber de douleur ! Ah ! si je pouvais éviter cette désolante révélation ! Que dire ? Comment exprimer ?…

Un sourire plein d’amertume contracta ses lèvres ; il reprit avec une triste ironie :

— Ah ! cache tes souffrances, reprends courage ! Si ton cœur est saignant et déchiré, si le désespoir ronge tes entrailles, oh ! souris, souris… Oui, la vie est pour toi une éternelle raillerie ; mais que peux-tu faire, misérable avorton, sinon te soumettre, céder sans lutte, et accepter le joug comme un impuissant esclave que tu es ? Arrière tout sentiment de révolte ! Silence, silence, voici ton enfant !

En effet, Lénora ouvrait la porte du salon et courait à son père en fixant sur lui un regard interrogateur, mais rempli d’espoir.

Quelque effort que fit sur lui-même monsieur de Vlierbecke pour dissimuler son anxiété, il n’y réussit pas cette fois. Lénora lut bientôt sur ses traits qu’il était en proie à une profonde douleur. Comme il gardait le silence, elle se prit à trembler et demanda avec une fiévreuse impatience :

— Eh bien ? eh bien, mon père ?

— Hélas ! mon enfant, dit le gentilhomme en soupirant, nous ne sommes pas heureux : Dieu nous éprouve par de rudes coups ; inclinons-nous devant sa toute-puissante volonté.