Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/121

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un pas, le jeune homme, à genoux devant elle, saisissait convulsivement ses mains, et disait avec une fiévreuse émotion :

— Lénora, Lénora, écoutez-moi ! Si vous me fuyez, si vous me refusez la consolation de vous dire, dans un dernier adieu, ce que je souffre et ce que j’espère, je meurs à vos pieds ou je pars, le cœur brisé, pour aller m’éteindre loin de ma patrie, loin de vous, ma sœur, ma bien-aimée, ma fiancée. Ah ! Lénora, au nom de notre amour si doux et si pur, ne me repoussez pas !

Bien que Lénora tremblât de tous ses membres, ses traits prirent une expression de dignité et d’orgueil blessé. Elle répondit d’un ton froid et réservé :

— Votre hardiesse m’étonne, monsieur ! Il vous a fallu un bien triste courage pour reparaître au Grinselhof après l’affront qui a été fait à mon père. Il est au lit, malade ; son âme a succombé sous le poids de l’outrage, et la fièvre l’a saisi. Est-ce là la récompense de mon affection pour vous ?

— Mon Dieu ! mon Dieu ! vous m’accusez, Lénora ? Quel crime ai-je donc commis ? s’écria le jeune homme avec désespoir.

— Il n’y a plus rien de commun entre nous, reprit la jeune fille ; si nous ne sommes pas aussi riches que vous, monsieur, le sang qui coule dans nos veines ne souffre pas d’injure ! Levez-vous, partez ; je ne dois plus vous voir !

— Grâce ! pitié ! dit Gustave le regard suppliant et en levant les mains vers elle ; grâce ! je suis innocent, Lénora !