Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/135

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longtemps le secret de ma conduite et de mon chagrin ; l’époque fatale est arrivée, le coup que je redoutais est imminent, et ne peut plus être détourné. Es-tu prête à entendre une révélation, Lénora ?

La jeune fille, heureuse devoir le calme et radieux sourire de son père ! répondit d’une voix douce et caressante :


— Ô mon père, épanchez toutes vos douleurs dans mon cœur, mais ne me cachez rien ; ma part doit être entière. Vous sentirez combien, à chaque confidence, votre cœur sera soulagé.

Le gentilhomme prit la main de %a fille et répondit d’un ton solennel :

— Prends donc ta part de mes souffrances et aide-moi à porter ma croix. Je ne te dissimulerai rien. Ce que je vais te dire est une triste et lamentable histoire, mais ne tremble pas, mon enfant ; si quelque chose doit t’émouvoir, ce sera le tableau des tortures de ton père. Tu sauras aussi pourquoi monsieur Denecker a pu agir envers nous comme il l’a fait.

Il laissa la main de sa fille et, sans détourner d’elle son regard, commença son récit d’une voix calme.

— Tu étais petite encore, Lénora, mais, aimante et douce comme aujourd’hui, tu faisais la joie et le bonheur de ta mère. Nous habitions l’humble manoir de nos pères sans que rien vint troubler la paix de notre existence, et, grâce à l’économie, nous trouvions dans nos revenus le moyen de faire honneur à notre nom et à notre rang.

J’avais un frère plus jeune que moi, doué d’un excellent cœur, généreux, mais imprudent. Il habitait la ville