Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/137

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tint pour certain qu’il forcerait la chance inconstante à tourner en sa faveur. Fatale illusion !

… Un soir d’hiver, je tremble quand j’y pense, j’étais au salon prêt à m’aller coucher ; tu étais déjà au lit et ta mère priait à ton chevet comme elle en avait l’habitude. Un ouragan terrible grondait au dehors ; des tourbillons de grêle fouettaient les vitres ; le vent rugissait dans les arbres et semblait vouloir arracher la maison de ses fondements, Sous l’influence de la tempête, j’étais tombé dans de sombres pensées. Tout à coup un violent coup de sonnette retentit à la porte, tandis que des hennissements annonçaient l’arrivée d’une voiture, Un domestique — nous en avions deux alors — un domestique alla ouvrir ; une femme s’élança dans la chambre et tomba à mes pieds en fondant en larmes ! C’était la femme de mon frère !

Tremblant de surprise et d’effroi, je veux la relever ; mais elle embrasse mes genoux et implore mon aide, les joues baignées par un torrent de larmes. Elle implore de moi, en paroles entrecoupées et obscures, la vie de mon frère, et me fait frémir en me laissant soupçonner un épouvantable malheur…

Ta mère entra sur ces entrefaites ; tous deux nous nous efforçâmes de calmer la pauvre femme à demi folle de désespoir ; les marques d’intérêt et d’affection que nous lui prodiguions, réussirent à la ramener à elle.

Hélas ! mon frère avait tout perdu, tout, et même plus qu’il ne possédait. Le récit de sa femme était déchirant, et plus d’une fois il nous arracha des larmes, mais la fin surtout nous jeta dans une affreuse et inexprimable