Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/138

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anxiété. Mon frère, accablé par la certitude de ne pouvoir faire honneur à son nom, poursuivi par la pensée que la loi et la justice allaient intervenir dans ses affaires, mon frère était tombé dans un morne désespoir : l’infortuné avait attenté à sa vie. Sa malheureuse femme, guidée par Dieu, l’avait surpris dans l’accomplissement de sa coupable résolution, et lui avait arraché l’arme meurtrière dont il allait se frapper. Il était enfermé dans une chambre, muet, anéanti, le front sur les genoux, et surveillé de près par deux amis fidèles. Si quelqu’un sur la terre pouvait le sauver, c’était assurément son frère.

Ainsi en avait jugé sa pauvre femme ; elle s’était jetée dans une voiture et, seule, par la nuit et l’orage, était venue à moi comme à son seul recours dans cette terrible extrémité. Elle était là, agenouillée à mes pieds, me suppliant de l’accompagner à la ville. Je ne balançai pas un instant ; ta bonne mère frappée non moins que moi par l’affreuse nouvelle et prévoyant bien ce qu’on demandait de nous, me cria encore au moment où je montais en voiture : « Oh ! sauve-le ! n’épargne rien ; j’approuve tout ce que tu feras ! »

Le cocher, qui heureusement connaissait très-bien le chemin, fouetta ses chevaux, et plus vite que le vent nous nous enfonçâmes dans les ténèbres. Tu pâlis et tu trembles, Lénora ? Elle était effroyable, cette sombre nuit ; tu ne sauras jamais quelle terrible impression elle fit sur moi ; mes cheveux blanchis avant l’âge sont le triste souvenir des anxiétés que j’éprouvai… Courage, mon enfant, écoute jusqu’au bout.

La jeune fille, comme écrasée par ces tristes révéla-