Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/154

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était pauvre, la fortune l’avait frappé matériellement ; mais dans son mâle regard, dans ses traits calmes rayonnait une âme indépendante et courageuse à laquelle l’infortune ne semblait rien avoir ôté de sa grandeur ni de sa noble fierté.

Cependant le notaire continua la vente, aidé dans l’appréciation des objets par monsieur de Vlierbecke, qui donnait des renseignements sur leur origine, leur antiquité et leur juste valeur.

De temps en temps, quelque gentilhomme du voisinage, qui s’était trouvé autrefois en relation avec le père de Lénora, s’approchait de lui pour lui parler de son malheur ; mais il échappait par d’adroites réponses à ces consolations indiscrètes. Il s’exprimait si librement, il demeurait tellement maître de lui, qu’on ne trouvait pas l’occasion de lui témoigner une inutile compassion. Bien plus, il y avait dans son attitude et dans ses gestes quelque chose de si élevé et de si grand qu’on ne le quittait pas sans une respectueuse émotion.

Si le visage de monsieur de Vlierbecke était calme, si dans son regard brillait une invincible force d’âme et un haut sentiment de sa propre dignité, son cœur était déchiré par les plus cuisantes douleurs. Tout ce qui avait appartenu à ses ancêtres, des objets qui portaient les armes de sa famille et qui depuis deux ou trois siècles y étaient religieusement conservés, tout cela il le voyait vendre à vil prix et passer dans les mains des usuriers. À mesure que ces reliques historiques apparaissaient sur la table, les annales de son illustre race se déroulaient sous les yeux du gentilhomme : cruelle épreuve où il lui