Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

douterait même pas, et pourtant ce sont eux. On voit qu’ils ont fait effort pour se dépouiller des dehors de l’aisance et pour prendre l’humble extérieur de la pauvreté.

Lénora porte une robe d’indienne de couleur sombre ; elle est coiffée d’un bonnet, et son cou est entouré d’un petit fichu carré ; on ne voit pas ses cheveux, soit parce que le bonnet les cache, soit parce qu’ils sont tombés sous les ciseaux.

Le gentilhomme est vêtu d’une redingote de drap noir boutonnée jusqu’au-dessous du menton, et coiffé d’une casquette dont la large visière dissimule presque entièrement ses traits.

Cependant, ces vêtements, malgré leur simplicité, ne manquent pas d’une certaine distinction. Quelques efforts qu’aient faits ceux qui les portent pour dissimuler leur ancienne condition, il reste dans leur démarche et dans la manière même de porter leur modeste costume quelque chose d’indéfinissable, mais qui révèle clairement un rang élevé.

Les traits du père ne sont pas altérés ; mais il est impossible de dire s’ils trahissent la joie, l’indifférence ou la douleur. Lénora semble forte et résolue, bien qu’elle quitte le lieu de sa naissance et se sépare pour toujours de tout ce qu’elle a aimé depuis son enfance, — de ces arbres séculaires à l’épais feuillage, sous l’ombre desquels le premier sentiment d’amour s’est éveillé dans son sein ému, — de ce catalpa si cher au pied duquel le timide aveu de Gustave vint frapper son oreille comme une parole du ciel… Oui, elle est forte et courageuse,