Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/158

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prenant la main de la fermière, ne pleurez pas pour cela. Vous voyez bien que nous supportons notre sort avec résignation.

La pauvre femme leva la tête, jeta encore un regard sur les vêtements de ses anciens maîtres, et recommença à pleurer plus fort sans qu’il lui fût possible d’articuler un mot.

Depuis un instant, le fermier réfléchissait les yeux fixés sur le sol. Tout à coup il dit au gentilhomme d’un ton résolu :

— Je vous en prie, monsieur, permettez-moi de vous dire quelques mots… à vous seul !

Monsieur de Vlierbecke le suivit dans la pièce voisine. Le fermier ferma soigneusement les portes, et dit en hésitant :

— Monsieur, je n’ose presque pas vous dire ma demande ; me pardonnerez-vous si elle vous déplaît ?

— Parlez franchement, mon ami, répondit le gentilhomme avec un affable sourire.

— Voyez-vous bien, monsieur, balbutia le laboureur ému, tout ce que j’ai gagné, je vous en suis redevable. Quand j’ai pris notre Beth pour femme, nous n’avions rien, et pourtant, dans votre bonté, vous nous avez donné cette ferme pour un petit fermage. Par la grâce de Dieu et votre protection nous avons marché en avant. Et vous, au contraire, vous, notre bienfaiteur, vous êtes malheureux ; vous allez errer au hasard, le bon Dieu sait où !… Peut-être souffrirez-vous misère et privations. Cela ne doit pas être ; je me le reprocherais toute ma vie et ne m’en consolerais