Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/172

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X.


Depuis longtemps déjà le doux printemps a dépouillé la terre des voiles funèbres de l’hiver et rendu à toute la création une vie nouvelle et de nouvelles forces. Le Grinselhof aussi a repris toute la magnificence de sa sauvage et libre nature ; les chênes majestueux déploient leur vaste dôme de verdure, les rosiers des Alpes sont en pleine floraison, le syringa charge l’air de senteurs parfumées, les oiseaux chantent joyeusement leurs amours, les hannetons volent en bourdonnant, le soleil rajeuni inonde de ses chauds rayons les teintes délicates de la végétation renaissante…

Rien ne semble changé au Grinselhof : ses chemins sont toujours déserts, et morne est le silence qui règne sous ses ombrages ; pourtant, autour de l’habitation même, il y a plus de mouvement et de vie qu’autrefois. Deux domestiques y sont occupés à laver une magnifique voiture et à en enlever la poussière et la boue ; on entend dans l’écurie hennir et piétiner des chevaux. Une jeune servante, debout sur le seuil, rit et jase avec les domestiques.

Tout à coup, le timbre clair et argentin d’une sonnette retentit dans l’intérieur de la maison ; la jeune fille rentre précipitamment en disant d’une voix effrayée :

— Ah ! mon Dieu, monsieur qui demande son déjeuner : il n’est pas prêt !

Cependant, un instant après, elle monte l’escalier portant le déjeuner sur un plat magnifique ; elle entre dans