Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/173

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un salon du premier étage, et dépose silencieusement le plat sur une table devant un jeune homme qui semble absorbé dans ses pensées. La servante quitte la place, toujours sans mot dire.

Le jeune homme sort de sa rêverie, et se met à déjeuner d’un air distrait ; il parait ne pas savoir ce qu’il fait.

Le mobilier qui garnit la salle offre des contrastes singuliers : tandis que certains objets, remarquables par leur richesse et l’élégance de leurs formes, se font reconnaître pour des produits du dernier goût, à côté se trouvent des sièges, des bahuts, des armoires, dont la sombre couleur brune et les sculptures roides et tourmentées accusent une haute antiquité ; il en est même dans le nombre qui ont visiblement défié les atteintes du temps pendant trois ou quatre siècles. Aux murailles sont suspendus de nombreux tableaux enfumés dont les cadres poudreux et souillés ont perdu tout éclat. Ce sont des portraits de guerriers, d’hommes d’État, d’abbés et de prélats.

Ces portraits portent les armoiries de la maison de Vlierbecke ; plusieurs autres objets sont marqués du même signe distinctif.

On sait cependant que jadis eut lieu au Grinselhof une vente publique qui dispersa entre les mains d’une foule de gens tout ce qui appartenait à monsieur de Vlierbecke. Comment se fait-il que ces portraits soient revenus à cette place qu’ils semblaient avoir abandonnée pour jamais ?

Le jeune homme se lève de table toujours distrait ; il parcourt la salle à pas lents, s’arrête, contemple les portraits d’un regard attristé, reprend sa marche, couvre ses yeux de la main comme pour creuser plus avant sa