Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/175

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tours ; celle dont la présence enchantait ta solitude est loin d’ici ! Nous l’avons perdu cet ange dont une seule parole faisait de ces lieux un paradis, et qui répandait autour d’elle la joie et la consolation, comme le soleil répand la lumière et la vie. Hélas ! elle nous a quittés, la douce enfant ! Rien, plus rien que le souvenir !

Après un instant de silence, il s’avança lentement dans un autre sentier, et s’enfonça plus avant dans les massifs de verdure ; de temps en temps, il s’arrêtait devant les objets qui lui étaient chers à titre de témoins des émotions qui jadis avaient remué son cœur et qui lui parlaient de celle dont il déplorait si amèrement la perte. Au bord de l’étang, il contempla d’un œil troublé le rapide essaim des dorades, et plus loin, le long de la grande allée, son regard se fixa avec une sorte d’amour sur les œillets qu’elle avait élevés et soignés avec une si tendre sollicitude.

Il poursuivit sa rêverie et continua de se plaindre à tout ce qui l’avait connue, à tout ce qu’elle-même avait aimé, jusqu’au moment où, épuisé par cette surexcitation morale, il s’affaissa sur un siège à l’ombre du catalpa.

Depuis longtemps il était là tout entier à sa douleur lorsque la fermière vint à lui un livre à la main, et lui dit d’une voix joyeuse :

— Monsieur, voici un livre dans lequel mademoiselle Lénora avait l’habitude de lire ; mon homme a reconnu hier, au marché, le paysan qui l’avait acheté le jour de la vente ; il a accompagné le paysan jusque chez lui pour rapporter ce livre. Cela doit être bien beau, et, s’il ne venait pas de notre demoiselle, il ne sortirait de mes