Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/179

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contrer le plus affreux isolement. Savoir qu’elle est pauvre et languit peut-être abreuvée d’humiliations, épuisée par le besoin ; savoir que ma noble et bien-aimée Lénora gémit sous le poids d’une épouvantable infortune, et ne rien pouvoir faire pour la sauver ; être condamné à compter, dans un impuissant désespoir, ses jours d’affliction, et même n’être pas sûr que la douleur ne l’a pas encore tuée !…

Un profond silence suivit ces tristes plaintes ; la fermière avait courbé la tête et était profondément émue ; cependant, après quelques instants, elle essaya de le consoler :

— Ah ! Monsieur, je comprends trop combien vous souffrez ; mais aussi, pourquoi désespérer ? Qui sait s’il n’arrivera pas tout d’un coup des nouvelles de notre demoiselle ? Dieu est bon ; il entendra nos prières… Et la joie de son retour nous fera oublier tous nos chagrins !…

— Puisse votre prophétie se réaliser, ma bonne femme ! Mais il y a déjà sept mois qu’ils sont partis ; depuis trois mois cent personnes ont reçu mission de s’informer d’eux ; dans toutes les villes on a fait mille recherches pour les découvrir, et l’on n’a rien obtenu, pas un seul renseignement, pas le moindre signe qu’ils soient encore de ce monde ! Ma raison me dit aussi qu’il ne faut pas désespérer ; mais mon cœur saignant et déchiré exalte encore mon malheur, et me crie que je l’ai perdue… perdue pour toujours !

Il se disposait à quitter le catalpa et voulait s’éloigner de la fermière, quand il leva tout à coup les yeux avec