Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visage ses tons jaunes et blafards ; la tristesse a brisé ton âme et ôté à ton regard son doux et rayonnant éclat. Fleur mourante, rongée par un mal caché !

… Oh non ! Dieu merci, il n’en est pas ainsi ! Le sang héroïque qui coule dans tes veines t’a, rendue forte contre le destin. Ton angélique beauté est plus saisissante encore qu’autrefois. Si ta vie, renfermée dans un étroit espace, a fait perdre à ton teint ses bruns reflets, la douce expression de ton visage n’en est que plus touchante, ton beau front n’en est que plus pur et plus éclatant, les teintes rosées de tes joues n’en sont que plus fraîches. Ton œil noir rayonne encore, plein de feu et de vie, sous ses longs cils ; ta bouche fine et charmante a gardé toutes les séductions de son doux et virginal sourire.

Peut-être ton cœur renferme-t-il un trésor de courage et d’espérance ; peut-être une image chérie flotte-t-elle encore sous ton regard. N’est-ce pas à la source du souvenir que tu puises la force de lutter victorieusement contre l’adversité ?

Voyez ! un songe s’empare de la jeune fille. Sa main s’arrête ; elle ne travaille plus. La tête inclinée sur son ouvrage, elle semble regarder fixement le sol ; son âme, emportée vers d’autres contrées, s’abandonne au courant d’une douce et aimante rêverie.

Elle dépose la toile sur la chaise, et se lève lentement. Penchée vers la fenêtre, elle contemple un instant ses humbles fleurs, cueille une marguerite et l’effeuille avec distraction ; puis son regard plonge dans l’espace et va s’arrêter sur un châtaignier dont la cime séculaire s’élève au milieu des toits.