Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/185

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ami t’a-t-il été, comme à moi, ravi pour toujours ? L’image de celui que tu as jadis aimé vient-elle se mêler à ta tristesse ? Pleures-tu aussi autre chose que l’espace et la liberté ? Mais que te demandé-je là ? Le temps d’aimer est revenu, n’est-ce pas ? Aimer est aussi pour toi le plus doux bonheur de la vie ! Je t’ai acheté dans des temps meilleurs ; tu as été si longtemps mon seul compagnon, mon ami…

En prononçant ces mots, la jeune fille porta la main à la cage et poursuivit :

— Mais je devine tes douleurs ; je ne veux pas être plus longtemps pour toi ce qu’est pour moi l’inexorable sort. Tiens, prends ton vol ! Que Dieu te protège ! Va et savoure pleinement les deux plus grands bonheurs de toute créature vivante : la liberté et l’amour !… Ah ! quel cri de joie, et comme tu ouvres tes ailes toutes grandes ! Adieu ! adieu !…

Lénora suivit de l’œil l’oiseau qui montait vers le ciel en fendant l’air avec la rapidité d’une flèche. Puis elle revint s’asseoir avec un sourire de douce satisfaction, reprit son ouvrage, et se remit à travailler avec le même zèle qu’auparavant.

Un quart d’heure s’était écoulé. Lénora leva tout à coup la tête, prêta l’oreille, et s’écria d’une voix joyeuse :

— Ah ! voici mon père ! Puisse-t-il avoir été heureux !

— Elle quitta sa chaise, et alla vers la porte.

Monsieur de Vlierbecke entra dans la chambre un rouleau de papier à la main, et gagna à pas lents un siége sur lequel il s’affaissa épuisé et haletant.

Il était devenu très-maigre ; ses yeux s’étaient en