Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle ne reviendra plus. Tu le vois bien, Lénora, nous perdons tout à la fois. N’avais-je pas de bonnes raisons de m’affliger ! Toi-même parais frappée par cette malheureuse nouvelle, tu pâlis, il me semble.

La jeune fille, en effet, baissait les yeux et paraissait surprise et consternée ; mais l’appel de son père lui rendit la conscience d’elle-même, et elle répondit en faisant un effort pour paraître joyeuse :

— Je songeais à la peine que ces congés ont dû vous faire, mon père, et vraiment j’en étais profondément affligée ; et cependant je trouve encore des motifs d’être joyeuse. Oui, père, car moi, au moins, j’ai de bonnes nouvelles !…

— En vérité ? Tu m’étonnes !

La jeune fille montra du doigt sa chaise.

— Voyez-vous cette toile ? Je dois en faire une douzaine de chemises, de chemises fines ! Et quand cela sera fini on m’en rendra autant ! On me donne un beau salaire… et je sais quelque chose qui vaut mieux encore ; mais ce n’est qu’une espérance…

Lénora avait prononcé ces paroles avec une joie si vive et si réelle que le père en subit l’influence, et sourit lui-même de contentement.

— Eh bien, eh bien, demanda-t-il, qu’est-ce donc qui te rend si heureuse ?

Comme si la jeune fille se reprochait de perdre le temps, elle se rassit et se remit à coudre. Elle était visiblement enchantée d’avoir triomphé de la tristesse de son père. Elle répondit en plaisantant à demi :

— Ah ! vous ne le devineriez jamais ! Savez-vous,