Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/190

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trouviez dans votre travail de quoi vous mettre, vous et votre père malade, au-dessus de tout besoin… » Et moi, les larmes aux yeux, j’ai saisi sa main et l’ai baisée. Cette noble et délicate façon d’agir qui me donnait non une aumône, mais du travail, m’avait profondément touchée. Madame de Royan lut ma reconnaissance dans mes yeux, et me dit avec plus de bienveillance encore, en me posant la main sur l’épaule : « Et maintenant, courage, Lénora ; un temps viendra où vous devrez prendre des apprenties pour vous aider ; et c’est ainsi qu’on arrive par degrés à devenir maîtresse d’atelier. » Oui, père, voilà ce qu’elle a dit ; je sais ses paroles par cœur !

Elle s’élança vers son père, l’embrassa et ajouta avec effusion :

— Qu’en dites-vous maintenant, père ? Ne sont-ce pas là de bonnes nouvelles ? Qui sait ? Des apprenties, un atelier, un magasin, une servante… Vous tenez les livres et faites l’achat des étoffes… Je suis dans l’atelier, derrière un comptoir, surveillant le travail des ouvrières. Oh ! mon Dieu, c’est beau pourtant d’être heureux et de savoir qu’on doit tout au travail de ses mains… Alors, mon père, votre promesse serait bien remplie, alors vous pourriez passer vos vieux jours dans un doux bien-être !

Il y avait dans le sourire de monsieur de Vlierbecke une si éclatante sérénité, une si vive expression de bonheur se reflétait sur son visage amaigri, qu’on voyait qu’il s’était laissé fasciner par les paroles de sa fille au point d’oublier tout à fait leur situation présente. Lui-