Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/191

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même s’en aperçut bientôt et dit en secouant la tête :

— Lénora, Lénora, douce magicienne, comme tu me séduis facilement ! Comme un enfant j’ai été attaché à tes paroles et j’ai cru fermement au bonheur que tu nous promets. Quoi qu’il en soit, nous n’en avons pas moins à remercier Dieu… Mais parlons sérieusement. Le cordonnier m’a parlé de nouveau du loyer et m’a prié de le payer. Nous lui devons encore vingt francs, n’est-ce pas ?

— Oui, vingt francs de loyer, et douze francs environ chez l’épicier. C’est tout. Dès que ces chemises seront faites, nous donnerons mon salaire comme à-compte au cordonnier, et il sera content. L’épicier consent encore à nous faire crédit. J’ai reçu deux francs et demi pour mon dernier ouvrage. Vous le voyez bien, père, nous sommes encore riches, et avant un mois nous n’aurons plus de dettes. Vous êtes guéri, vos forces reviendront bien vite… l’été arrive, tout nous sourit… Ah ! nous allons redevenir heureux !

Monsieur de Vlierbecke paraissait tout consolé ; un nouveau courage brillait dans ses yeux noirs, et son regard s’était tout à fait rasséréné. Il s’approcha de la table et ouvrant le rouleau de papier :

— J’ai un peu de travail aussi, Lénora. Monsieur le professeur Delsaux m’a donné quelques morceaux de musique à copier pour ses élèves. Cela me rapportera bien quatre francs en une couple de jours. Maintenant demeure un peu tranquille, ma chère fille ; mon esprit est encore si distrait qu’en parlant je ferais trop de fautes et gâterais peut-être le papier.