Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/192

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— Je puis chanter pourtant, n’est-ce pas, père ?

— Oh oui ! loin de me troubler, ton chant me réjouit au contraire sans détourner mon attention…

Le père se mit à écrire, tandis que Lénora, d’une voix douce et joyeuse, redisait toutes ses chansons et épanchait son cœur dans de ravissantes mélodies. Elle cousait en même temps d’une main diligente, et jetait de temps en temps un regard sur son père, épiant sur ses traits, pour la combattre au besoin, toute pensée triste qui aurait pu se glisser dans son esprit.

Tous deux étaient occupés ainsi depuis très-longtemps, lorsque Lénora entendit sonner l’heure à l’église paroissiale. Elle déposa son ouvrage, prit un panier derrière le poêle, et, le passant à son bras, se disposa à quitter la chambre. Le père, qui avait remarqué ces préparatifs, demanda d’une voix surprise :

— Quoi ! déjà, Lénora ?

— Onze heures et demie viennent de sonner, père.

Sans faire aucune autre observation, monsieur de Vlierbecke reporta les yeux sur ses feuilles de musique et continua d’écrire, La jeune fille descendit l’escalier d’un pas rapide et léger. Elle fut bientôt de retour rapportant son panier rempli de pommes de terre et un autre objet encore, enveloppé dans du papier, mais qu’à son entrée dans la chambre elle cacha sous son tablier.

Elle versa de l’eau dans un pot, plaça celui-ci auprès d’elle et commença à peler les pommes de terre en chantant. Très-habile à la besogne, les pelures fuyaient rapidement sous ses doigts, et elle eut bientôt fini.