Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/194

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frais, si appétissant, que l’humble table eût souri même à un riche.

Le père et la fille prirent place et courbèrent le front en joignant les mains pour remercier Dieu de la nourriture qu’il leur avait accordée.

La calme prière montait encore vers le ciel comme un doux murmure, lorsque un bruit de voix se fit soudain entendre dans l’escalier.

Lénora, saisie d’un tremblement violent, interrompit subitement sa prière. L’œil tout grand ouvert, et penchée vers la porte, elle écoutait une chose qui lui semblait inexplicable et impossible, et qui pourtant la frappait de surprise et d’effroi.

Le père, interdit à la vue de l’étrange émotion de sa fille, regardait celle-ci comme s’il voulait lui demander la cause de son trouble ; mais Lénora lui fit signe de la main pour lui imposer silence.

De nouvelles exclamations retentirent plus distinctement jusqu’à la petite chambre. Lénora reconnut l’accent de cette voix. Comme si un coup de foudre l’eût frappée, elle s’élança d’un bond avec un cri d’angoisse vers la porte, la ferma et appuya de la main et des épaules pour empêcher d’entrer.

— Lénora, pour l’amour de Dieu, que crains-tu ? s’écria le père épouvanté.

— Gustave ! Gustave ! dit la jeune fille d’une voix frémissante. Il est là ! Il vient ! Oh ! ôtez tout cela de cette table ! Lui seul ne doit pas s’apercevoir de notre misère !

Le visage de monsieur de Vlierbecke s’assombrit ; sa