Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/195

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tête se releva avec fierté ; son regard s’alluma et prit une expression sévère. Il s’avança muet vers sa fille et l’écarta de la porte. Lénora s’enfuit à l’extrémité de la chambre et pencha son front, où montait la rougeur de la honte.

La porte s’ouvrit vivement ; un jeune homme s’élança dans la chambre avec un cri de joie, et courut, les bras tendus vers la jeune fille tremblante, en mêlant, dans son égarement, le nom de Lénora à des mots inintelligibles. Sans doute, dans son aveugle transport, il eût sauté au cou de Lénora, mais la main étendue et le regard austère du père l’arrêtèrent tout à coup.

Il s’arrêta donc, promena un regard stupéfait autour de la chambre, et remarqua le triste repas et les misérables vêtements du vieillard et de la jeune fille. Cet examen dut l’affecter péniblement, car il porta convulsivement les mains à ses yeux et s’écria avec désespoir :

— Mon Dieu ! c’est donc ainsi qu’elle a vécu !

Mais il ne demeura pas longtemps sous le poids de cette amère réflexion ; il s’élança de nouveau vers Lénora, s’empara de force de ses deux mains et les étreignit fiévreusement en disant :

— Lénora, ma bien-aimée, regarde-moi, que je sache si ton cœur a conservé le doux souvenir de notre amour !

La jeune fille répondit par un regard plein d’émotion, un regard où se révélait tout entière son âme pure et aimante.

— Ô bonheur ! s’écria Gustave avec enthousiasme, c’est toujours ma douce et chère Lénora ! Dieu soit béni !